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Gentrification des fripes

Entre hommage et mépris des classes.

4 septembre 2019

Si le phénomène de la fast-fashion à encore un impact énorme sur le consommateur, le tournant vers la seconde main a commencé il y a déjà un moment.

Jusqu’alors les boutiques dites «vintage» ne faisaient que s’étendre à la demande croissante du chaland « bourgeois-Bohême » en quête de la pièce rare d’une mode passée ou en plein retour. Plus c’était cher et mieux c’était!

Les friperies à prix cassés étaient jusque là épargnées de la cohue des hipsters chic. Mais désormais prisées par une population aisée qui s'approprie les codes populaires, le pauvre devient chic. Le luxe c’est la rue.

Les friperies comme Kilo Shop, Free'P'Star ou Hippy Market et Guerrisol (enseigne fondée au début des années 2000 visant une population de classe modeste) débordent de monde.
La récupération de la rue passe alors par la popularisation d’un style inspiré du pauvre.

Le phénomène n’étant pas nouveau. Dans les années 2000, John Galliano avait déjà marqué avec son défilé style «homeless chic»pour Dior, en faisant défiler des mannequins aux allures de SDF. Plus récemment, des marques de luxe sont allées puiser leur inspiration chez les classes populaires.

Défilé Galliano "homeless chic" pour Dior

Le prêt à porter lui a pris le pas d’imiter le luxe et propose depuis un moment maintenant des lignes inspirées directement des défilés de haute couture.
«Le bon goût est devenu tellement démocratique. Tout est plutôt joli, H&M fait des collaborations avec de grands couturiers... tout le monde peut avoir l'air un peu bourgeois le temps d'un selfie. En l’occurrence, le plus grand luxe c'est de penser “je suis tellement au-dessus de cela que je n'en ai plus besoin, je peux mépriser le peuple qui a accès au bon goût”», analyse la journaliste Alice Pfeiffer.

La fast-fashion a perdu de son originalité.

La galère sur les podiums.

Overdose de pierres précieuses, d’or et autres diamants, la mode fatigue du luxe. Elle tente de se renouveler à tout prix pour ne pas se retrouver elle même dépassée. Elle pille sans scrupule les subcultures depuis des décennies. La vérité c’est qu’elle tourne en rond.
Mais si avoir l’air pauvre devient glamour et que la rue inspire la mode, elle a toujours su renouveler ses codes à chaque dépossession. La mode n’aura qu’à suivre.
Et si la tendance actuelle veux que le chaland bourgeois côtoie aujourd’hui les classes modestes dans sa quête d’originalité shopping, elle a l’avantage de rendre fashionable le marché de la seconde main, quelque peu plus humain que celui de la fast-fashion.

La Libellule bleu