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Portrait : Diana Apsara, nouveau visage du Fashion activism.

27 septembre 2019

Il paraît que la Fashion week Paris 2019 commence. Et comme la mode ne nous laisse pas indifférents, nous avons choisi pour cette occasion de donner la parole à Diana Apsara.

Mannequin et artiste “designeuse-plasticienne”, la discrète fashion activiste Parisienne nous offre mi-amusée mi-désabusée sa vision d’une mode à repenser.

Inspirée par les mouvements eco-fashion, ses œuvres textiles sont créées sur le principe de l’upcycling*.

Également militante pour les droits des personnes LGBTI et sensible à la grossophobie véhiculée par la mode, c'est après un évènement difficile qu'elle fonde début 2018 le projet Classy X design. Projet de mode militant dont les créations sont mises en avant par des modèles incarnant la beauté plurielle (modèles de toutes tailles et de toutes mensurations, tatoués/bodmodés, avec des cicatrices, modèles seniors, cisgenres & transgenres, de diverses origines...)

Passionnée et déterminée Diana Apsara est de cette génération de créateurs qui travaillent à bousculer les mentalités.

© Soon-D photography. Modèle : Diana Apsara.

 

Lorsque Florence Jacquet m’a demandé d’écrire en tant que fashion activiste pour Alternatif World, alias “J'emmerd’ le monde”, je me suis sentie comme quelqu’un sans permis à qui l’on demande de conduire.

Comment activer le levier sans faire de casse ? Comment emmerder le monde de la mode? Ce monde là qui est probablement le plus arrogant de l’histoire de l’humanité? Bonne question...

La mode, ça reste encore aujourd’hui la course au bénéfice et l’impact environnemental et social importe peu dans l’équation de ce profit à tout prix.

Stratégie prisée des marques de luxe, Burberry faisait polémique après avoir détruit près de trente cinq millions d’euros de produits invendus en 2017 et des rois de la fast fashion comme Primark ont encore augmenté leurs chiffres d’affaires ces dernières années.

Rappelons que l'industrie textile est l’une des plus polluantes peu après le pétrole.

Tout comme cette dernière, la mode accumule ses dettes envers la planète. Et le boomerang en retour sera bien plus capricieux que Karl Lagerfeld à bord d’un jet privé.

La cause animale n’est pas à oublier. La maison Jean-Paul Gaultier a arrêté l’utilisation de vraie fourrure seulement en 2018 et d’autres continuent encore.

De la fast fashion à la haute couture, le constat est lourd...

© Soon-D photography.

Mais si le terme “éthique” est un des plus fashionable du moment, juste un peu après “buzz” et “stories”, ne soyons pas aussi arrogants que la mode.

Il est facile de s'orner d'une éthique prête à porter en se pavanant d’un tote bag en chanvre bio au slogan tape à l’œil d’une main et d’un smoothie de légumes bio de l’autre.

 

Vivre pleinement éthique reviendrait à manger uniquement bio et local, être vegan, s'habiller moins et 100% recyclé/recyclable, ne plus prendre la voiture, ni le train, ni le bus, ni l'avion, ni le bateau (certes, Greta Thunberg fait du 2 en 1 mais c'est pour mieux donner l'exemple), arrêter de fumer, utiliser des préservatifs biodégradables, ne plus se reproduire, ne plus utiliser d'énergie nucléaire, ni de gaz et puis tout ceci et tout cela et puis la liste tombe par terre, elle roule au sol et ne s'arrête plus.

 

Soyons moins arrogant que la mode. Ne soyons pas comme ces grands noms qui se rachètent une éthique facile pour se laver les mains de tout le sang qui a coulé sur les podiums des défilés ou comme ces grands groupes de l’industrie textile qui voudraient que l’on oublie à tout jamais les cris d’alerte et l’effondrement du Rana Plaza.

Taper sur les doigts de la voisine qui s’est fait plaisir samedi en s’achetant un top flashy à cinq euros de la fast fashion world alors qu’elle fait gaffe toute l’année à rester vegan quand on ne s’habille qu’en seconde main mais que l’on s’enfume dans les embouteillages chaque matin assis dans notre Smart ça craint. Cracher sur son collègue de bureau qui mange du saucisson quand on est vegan et que l’on se réveille d’une cuite un matin par mois avec un seau de KFC vide au pied du canapé c’est la loose.

Il est trop simple de s'orner de bonne conscience avec un slogan imprimé sur du coton bio ou en adoptant les codes de la dernière tribu hipster à la mode.

Qui d’entre nous est totalement irréprochable?

Soyons plus responsable, plus “éthique” mais aussi plus humble. Oui nous sommes critiquables.

Photo © Classy X design project, modèle: madeinlovaa_modelplus

Malgré ça, chacun peut être la pièce du puzzle pour un monde meilleur...enfin “moins pire” quoi. Il ne tient qu’à nous d’essayer.

Lorsque j’ai commencé à travailler sur le projet Classy X design, je voulais valoriser des modèles hors des standards habituels tout en insufflant l’idée qu’il est possible d’avoir une influence sur le vaste monde aux critères étriqués et élitistes de la mode. En provoquant l'émerveillement de transformer plutôt que de gâcher. En étant fidèle aux critères de l’upcycling. Qu’avec un peu d'ingéniosité et de sincérité il est possible d’être une de ces gouttes d’eau dans l'océan qui participent à l’évolution d’un monde plus durable. Ou tout du moins qui participe au ralentissement de sa chute.

Pour conclure je citerai simplement la talentueuse créatrice britannique Vivienne Westwood:

"Je pense que les gens ne devraient pas investir dans la mode, mais investir dans le monde." Vivienne Westwood

*Upcycling: action de récupérer des matériaux ou des produits dont on n'a plus l'usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d'utilité supérieure.

Photo © Classy X design project, modèle :Elyane. Photo © Classy X design project, modèle: Johanna Joya.

Photo Backstage © Philippe d’Epiro, modèle: Marie-Laure. Photo © Classy X design project, modèle: Emma.

Photos Classy X design project, de gauche à droite, modèles: Charlotte et Safiya .

Alternatif world